Pour ce projet, le client, Normandie Aménagement, souhaitait habiller un grand panneau de 8 m par 3 m en présentant les résultats des fouilles archéologiques qui venaient de se terminer sur le terrain du futur éco-quartier des Hauts de l’Orne.

L’idée de départ était de représenter une grande fresque en isométrie qui reprendrait chaque période importante du lieu. Le client en a isolé 7 : le néolithique, la période gauloise, la bataille de Val-ès-Dunes (Guillaume le Conquérant), le passage de Louis XVI, l’exploitation de la pierre de Caen, un camp canadien durant la libération de Caen et le nouveau quartier.

Rapidement, je dessine une première esquisse et surtout je potasse le sujet en cherchant le maximum de référence sur internet et par l’intermédiaire du client.

Et se pose un problème récurrent sur ce type de projet : trouver la bonne échelle. Le client souhaitait que soit mis en avant l’aspect humain : on devait voir les hommes, les costumes… Ce qui m’embêtait un peu par rapport aux grands tumulus et aux bâtiments que je devais représenter.

Je fais une recherche en plaçant des personnages au premier plan de chaque scénette mais cela risque de surcharger le panneau.

J’ai donc décidé de scinder chaque scénette dans des images séparées et ainsi me permettre de couper les bâtiments. Je maintiens les liaisons entre les images par des chemins (puisqu’ils s’avèrent que, pour la plupart, ils sont restés identiques au fil du temps) et les tumulus qui restent présent jusque l’époque actuelle.

A ce moment là, on a l’échelle, donc je fais une composition en bloc. C’est moche, mais ça permet de montrer au client la disposition des éléments.

Une fois validée cette composition, je fais en parallèle un colorscript. J’appelle ça « colorscript » en référence à la technique Pixar mais en pratique il s’agit d’une esquisse rapide en couleur pour me permettre de voir les teintes générales du doc. Même si celles-ci varient souvent fortement jusque la fin du projet, ça me donne l’ambiance. Et là aussi, je fais valider par le client.

Mais j’ai peur que la fresque soit difficile à comprendre, qu’on ne saisisse pas les étapes assez rapidement (le panneau est situé à un feu rouge, on a que peu de temps de lecture). Les couleurs entre les étapes ne me paraissent pas assez tranchées et je décide tester avec des séarations blanches entre chaque étape.

Je passe un peu de temps à tester tout un tas de composition pour revenir au final à quelque chose d’assez simple. J’intègre aussi à ce moment là les couleurs de la charte graphique du client dans les textes.

Le client commence à trouver que les bandes sont trop peu larges et me demande d’abandonner le passage de Louis XVI (puisque qu’il ne se rendait pas à proprement parler à Fleury-sur-Orne, simplement les historiens pensent qu’il est passé par là) et le nouveau quartier, histoire de se concentrer dans le passé.

Et on arrive (enfin) à la phase de production proprement dite. Juste avant, j’ai un entretien avec un archéologue de l’INRA pour préciser chaque période et j’en profite pour lui poser tout un tas de questions comme « Quels sont les tenues des hommes du néolithiques ? » -> réponse « on en sait pas trop, donc il faut rester le plus vague et générique possible », « Est-ce que les fermes gauloises sont en bois ? en colombages ? », etc.

Mine de rien la recherche s’avère beaucoup plus longue que sur mes autres projets à cause de la nécessaire rigueur historique. Autant sur certaines étapes je trouve des documents assez précis, sur d’autres je galère un peu.

  • La période néolithique. L’INRA et le client m’ont fourni des vues d’artistes du site. Donc à part pour les bonhommes, c’est assez aisé.
  • Les fermes gauloises. J’arrive à trouver une maquette de ferme qui peut correspondre
  • Guillaume le Conquérant. Là, l’unique ressource est la tapisserie de Bayeux. On est pas vraiment dans les mêmes dimensions mais ça devrait aller
  • Exploitation de la pierre de Caen. Pour cette image, je trouve énormément d’image d’un treuil reconstitué et un schéma 2D de l’encyclopédie de Diderot, donc c’est presque facile.
  • Le camp canadien : je pensais trouver un tas de documentation et de photos, mais non il existe peu de traces des campements temporaires. Il s’avère que c’est simplement des trous dans le sol… Comme les archéologues ont retrouvé des traces d’un avion allié, je décide de l’intégrer à l’image pour meubler.

Autant les batiments et les objets je maitrise la conception. Autant, les personnages en isométrie, je galère toujours. Mes proportions ne sont jamais les bonnes. Finalement, je décide de me prendre en photo. Du haut de mon premier étage j’ai une vue quasi isométrique de mon jardin. Qu’à cela ne tienne, je me mets en scène dans différentes positions.

Les personnages se retrouvent donc avec à peu près tous la même morphologie 😉

Pour les cavaliers, je fais des recherches sous les vues iso de Bing, sans succès mais finalement après tout un tas de recherche Google, je trouve une photo qui peu correspondre. Pareil pour les vaches.

Il suffit ensuite de faire quelque petites variations pour éviter la sensation de copier coller.

Et on arrive à cette version finale. Entre temps le client a souhaité des couleurs plus vives. Et tant mieux ça me permet de forcer les contrastes entre les étapes.

Le projet est finalisé mais finalement, le client change d’avis et souhaite voir le nouveau quartier.

Etant donné que cette modification se fait sur le projet finalisé et que je dois tout recadrer, je facture en sus une nouvelle vignette.

Il n’y a pas de visuels du quartier, donc je ponds un truc générique. Je suis limité en hauteur (sachant que l’échelle a déjà été définie) mais j’arrive à caler un R+3 histoire de signifier un minimum de densité. Un bus pour les transports propres.

Je réalise le bus « à plat » en déformant une photo avant de le basculer dans la perspective, afin de bien respecter son aspect réel qui doit être reconnaissable.

Le projet est de nouveau en phase de validation. Certaines personnes s’inquiètent sur la seconde guerre mondiale, sujet très sensible de la région : « Une jeep pour les canadien, avec une étoile blanche ? Des bandes blanches sur l’avion ? »

Je réponds en renvoyant toute ma documentation. Et finalement, un chercheur de l’INRA tranchera en ma faveur en explicitant chacun des points critiqués. Jusqu’à la petite feuille d’érable rouge, quasiment invisible qui se trouve sur le pare-brise de la voiture…

Tout est bien qui finit bien.

Et vous savez le plus drôle ? C’est que PERSONNE n’a fait de remarques sur le drapeau canadien. Alors que celui ne date que de 1965 😉
Auparavant il était tout rouge avec l’Union Flag dans un coin. Mais pour faciliter la compréhension, on avait décidé avec le chargé de projet de mettre la version actuelle.